La Russie : pays des coeurs blessés et courageux
J’avoue, mon blogue de ce mois-ci sort des sentiers battus. Permettez-moi de revenir sur une expérience professsionnelle, mais d’abord et avant tout une expérience humaine. Bien sûr, personne n’est indifférent aux bombardements et aux agressions russes sur le territoire ukrainien et contre sa population. Notre coeur et nos tripes sont tous avec les Ukrainiens.
J’ignore si je vous l’ai déjà raconté dans un blogue précédent, mais la vie m’a amené à travailler quatre fois en Russie au cours des dernières années. De 2014 à 2019, j’ai travaillé à Sotchi, Kazan, Rostov et Krasnoyarsk (Sibérie), en plus d’avoir visité Moscou et Saint-Pétersbourg. Je n’ai pas logé dans de grandes chaînes hôtelières cinq étoiles; j’ai dormi chez les locaux, j’ai mangé avec le peuple, j’ai côtoyé les « indigènes ».
C’est ainsi qu’on prend le vrai pouls du paysan, qu’on découvre la vraie nature du peuple : dans son quotidien, dans son chez lui.
Au fil de ces voyages, je me suis fait des amis qui le demeureront à vie. J’ai tissé des liens que j’entretiens encore aujourd’hui. Une amie russe est même venue en vacances chez moi à deux reprises. Cette amie, je l’ai contactée la semaine dernière, pour savoir comment elle va, comment elle vit la situation actuelle de son pays et dans son pays.
Je vous assure que beaucoup de Russes souffrent des décisions de leur leader et n’appuient aucunement celles-ci, sauf qu’il leur est difficile de l’exprimer de peur de se faire arrêter et emprisonner. Ça, c’est la vraie réalité du terrain.
Je me rappelle un souper bien arrosé en 2017, à Kazan, avec mes collègues de travail russes après une journée chargée. Le sujet de Vladimir Poutine s’est immiscé dans la conversation. Immédiatement, j’ai senti les mâchoires se crisper et les propos se retenir dans la gorge. Ce n’est que quelques rasades de vodka plus tard que les langues se sont déliées.
La vérité est la suivante : les Russes vivent dans la peur et l’oppression.
Ces gens ont soif de vivre et font preuve d’un courage sans nom. Le Russe moyen est incapable de rêver avoir sa propre maison. Il n’en a pas les moyens, puisque la banque l’attend avec une hypothèque à un taux d’intérêt de 22 à 29 %. Chez nous, on appelle ça un shylock!
Alors que fait le Russe moyen? Il fait sa besogne sans se plaindre, de peur de perdre le peu qu’on lui laisse, et il engourdit son mal de vivre avec sa vodka à 60 % d’alcool. Bien sûr, je résume cavalièrement, et cette réalité n’est pas celle de tous les Russes, mais elle est typique au pays de Poushkine.
Je me désole et je dénonce, comme tous, l’agression russe en Ukraine, mais je refuse de juger le peuple russe pour autant. Il faut avoir marché un kilomètre dans ses chaussures pour le comprendre.
Christian Gauthier
Président et conseiller senior
G5 Communications